Michel Rigal - CREER UN HOMME CULTIVE Chef n° 347 - Nov - déc 1959, p. 10-11.

Le 07/02/2024

Dans Michel Rigal

Ce numéro de la fin de l’année 1959 est consacré à l’AG du 10 octobre dont le thème de réflexion était Devoirs et chances du scoutisme face à un monde technique. Depuis le mois de janvier, Charles de Gaulle est président de la 5° République pour 7 ans et son premier ministre, Michel Debré, a créé un ministère de la Culture confié à André Malraux qui donne soudain à cette notion une dimension considérable. Dans ce numéro la culture est donc omniprésente : Jacky Bassot, médecin, Commissaire National de la Route, analyse comment la branche aînée peut aider à son développement et François Lebouteux, agrégé es Lettres, Commissaire National Eclaireurs, développe la place du scoutisme dans un monde à grande culture technologique. Georges Dobbelaere en charge de l’Expression rappelle la technique du Referendum, permettant aux garçons de déterminer leurs activité, comme ce fut le cas pour la veillée de cette AG. Alice Collet, Commissaire Nationale Louvetisme raconte avec Anne Herbillon une Entreprise de meute, choisie et menée de cette façon pour la fête de son Groupe. Avant l’extrait de l’éditorial de Michel Rigal, arrêtons-nous un instant sur la circulation du mot entreprise dans le temps et les différentes branches (des louveteaux aux routiers, des routiers aux pionniers) et sur la prise de conscience chez beaucoup de cadres de l’intérêt d’une pédagogie de projets bien comprise, telle que la  présentait Georges Dobbelaere.

Ce que je veux vous dire c'est que ce sont là des réflexions fondamentales et que le but du scoutisme est bien de créer cet homme cultivé, c’est-à-dire cet homme capable de se situer, de se défendre, de se développer au sein de cette prodigieuse mue du monde où nous vivons. Tout humanisme, et spécialement chrétien, est défense et épanouissement de la personne humaine. Il ne faut pas laisser aux seuls marxistes le goût de l'avenir, la joie intrépide devant le progrès. Si nous devons avec prudence mesurer le danger. les difficultés, les risques, c’est avec cet esprit de l’alpiniste qui calcule ses prises mais qui n’en souhaite pas moins, qui n’en appelle pas moins de tout son être, le sommet qu’il convoite et qu'il veut atteindre.

Je voudrais, avant de conclure, attirer votre attention sur un point, c’est qu’il ne convient pas de donner au mot culture son sens trop étroit de culture de l'intelligence ou de l'esprit. mais que précisément cette culture s'insère dans une culture plus vaste, celle du corps, celle du caractère et celle de l’âme et que c’est probablement l'originalité du Scoutisme de l'avoir compris.

Qui dit culture - et il n’est de voir ce qu'est une terre cultivée - dit ordre, équilibre, emprise de l'esprit sur la matière, recherche d'unité et de signification.

Est effort de culture la méthode Hébert* qui vise à faire un corps humain adapté et développé dans ses principales facultés, un corps serviable et harmonieux réuni dans une volonté qui peut le maîtriser et l’unifier.

Est effort de culture ce training scout du caractère, de la volonté, de la loyauté, de la fraternité qui vise à unir l’homme à lui-même et aux autres.

Est effort de culture ce training de l'observation, du travail manuel, de l'expression, qui vise à faire des intelligences ouvertes, réalistes et inventives.

Est effort de culture enfin cette recherche de Dieu dans la nature, le silence, la contemplation, la prière, dans le service d'autrui qui ramènent la fine pointe de notre être en son centre unificateur qui est l'unique, celui d’où tout vient et où tout revient : Dieu.

Tous ces efforts il faut les poursuivre ensemble. Le Scoutisme est une des grandes chances de la culture en notre siècle, d’une culture vraie, d’une culture populaire, et qui contribuera à garder à l'homme sous le regard de Dieu sa royauté sur l'univers parce que sa royauté sur lui-même.

*  Georges HEBERT (1875-1957), officier de marine et éducateur, est le concepteur et le promoteur dune Méthode Naturelle (MN) d’éducation physique, lhébertisme qui tend à développer toutes les dimensions de la personne. Une forme un peu simplifiée de lhébertisme était pratiquée dans les unités de scoutisme.